lørdag 17. februar 2018

Remonter le temps avec le finnois

Remonter le temps avec le FINNOIS
(réflexions à partir des travaux de Jorma Koivulehto, notamment)


Le finnois est une langue parlée au nord-est de l'Europe, au nord du golfe de Finlande, par environ 5 millions de personnes. L'estonien est la langue nationale qui lui est le plus étroitement apparentée. Jadis, il y avait un continuum entre les deux langues par l'est du golfe de Finlande. Mais, à partir du XVIIIème siècle, plus précisément du traité de Nystad qui marque l'abaissement de la prédominance du Royaume de Suède sur la mer baltique et l'irruption de de la Russie, les petits peuples qui avaient traditionnellement vécu dans la région furent submergés, voire expulsés, et leurs langues disparurent les unes après les autres. Ce fut principalement le cas de l'ingrien qui était parlé de la frontière orientale de l'Estonie au lac Ladoga et qui s'éteignit du fait de la russification inexorable à partir de Saint-Petersbourg. Un autre recul considérable intervint en 1944, lorsque les Caréliens préférèrent quitter leur région plutôt que de passer aux ténèbres de l'Union soviétique. Il reste encore quelques îlots, comme le vepse et le vote, mais toutes les conditions sont réunies pour que le russe les engloutisse.
 
Ce groupe de langues forme manifestement une famille que les linguistes réunissent en une plus grande famille qui rassemble les différents dialectes lapons (ou sames), des langues parlées dans le nord de la Russie et le hongrois.

Les présentations étant ainsi faites, j'en viens à l'objet de mon propos. Le finnois, langue linguistiquement et géographiquement isolée dans les confins nord-est du continent, a une propriété remarquable de conservation qui mérite bien d'être connue et qui en fait une sorte de machine à remonter dans le passé linguistique de l'Europe.

KUNINGAS

C'est ainsi que l'on dit "roi" en finnois.

Nul n'ignore que roi se dit en anglais "king". Ce mot conserve la première, la quatrième, la cinquième et la sixième lettres du mot équivalent en finnois. Le mot allemand est "König". Le mot néerlandais, un petit plus archaïque est "koning". Il ressemble beaucoup au mot finnois, la terminaison en moins. Le mot suédois "konung" est au même niveau. 

La forme la plus archaïque existant actuellement dans une langue germanique se trouve en islandais "konungur", soit la forme du suédois avec une terminaison casuelle.

Les plus anciennes inscriptions "germaniques", des textes courts gravés sur des pierres ou sur des objets, remontent au troisième siècle. La désinence du nominatif singulier de la déclinaison thématique (l'équivalent de la deuxième déclinaison du latin et du grec) y apparaît - ar. Toutefois, dans la branche germanique orientale, le gothique dans lequel subsiste une traduction du nouveau testament, la désinence est - as, comme elle l'est d'ailleurs en lithuanien et en sanskrit.

Le finnois "kuningas" se présente donc sous une forme encore plus archaïque que les plus anciennes inscriptions germaniques qui sont parvenues jusqu'à nous, gothique mis à part.

LAMMAS

Mais remontons encore plus loin dans le temps avec le mot désignant le mouton, "lammas". 

On reconnaît sans peine le "lamb" de l'anglais (et de l'islandais) et le "Lamm" de l'allemand. Mais, le fait qu'il arbore en finnois une désinence de nominatif en - as est une grande surprise car ce substantif est neutre dans toutes les langues germaniques qui distinguent encore les genres.

Or, la particularité du neutre dans les langues indo-européennes anciennes, c'est qu'il avait toujours au nominatif la forme de l'accusatif. Cela s'explique très probablement par le fait que, à l'origine, les noms neutres ne pouvaient désigner que des objets d'actions. Ils ne pouvaient être envisagés comme des sujets d'actions et c'est la raison pour laquelle ils n'avaient tout simplement pas de nominatif.

Mais "lammas" nous projette dans un passé lointain, sans doute antérieur à l'ère chrétienne, où le mot ne désignait pas encore l'agneau incapable d'une volonté propre mais l'ovin adulte.

KAURA et KANA

Une particularité des langues germaniques par rapport à la plupart des autres branches de la famille indo-européenne est que les consonnes occlusives semblent y avoir uniformément subi une transformation que l'on appelle première mutation germanique et dont on suppose qu'elle a dû survenir au plus tard un peu avant le début de l'ère chrétienne. 

C'est à cause de cela que des mots qui commencent par le son "K" dans d'autres langues commencent par "H" dans les langues germaniques. Mais il existe une dizaine d'autres correspondances. On peut ainsi comparer le français "corne" et l'anglais "horn", le néerlandais "hond" et l'italien "cane", l'anglais "to", le polonais "do" et le breton"da", ou encore l'anglais "cold" au français "gel", l'anglais "foot" et le français "pied", etc ...

Le mot "kaura" désigne en finnois l'avoine. Le mot suédois est "havre" que l'on peut rapprocher de l'allemand "Hafer".

Comme le finnois dispose bien de phonèmes distincts "K" et "H" comme le montrent des mots aussi courants que "hyvä" ou "helppo", on peut bien supposer que "kaura" ait été emprunté au germanique avant qu'il ait été affecté par la mutation consonantique !

Et le mot "kana", la poule, tend bien à le confirmer. On peut le rapprocher du mot danois "hane" désignant le coq, comme le néerlandais "haan" et l'allemand "Hahn".

Or, qu'est-ce qui est si caractéristique du coq ? Eh bien, c'est qu'il chante sa joie de vivre tous les matins, dès qu'il voit le soleil se lever. Or, chanter se dit "kanan" (avec n tilde) en breton et se disait "canere" en latin (cantare en était un dérivé intensif).

KASKI, KALPEA et KESÄ 

Mais le finnois peut nous emmener vertigineusement plus loin dans le passé.

A la fin du XIXème siècle, le linguiste Ferdinand de Saussure avait émis l'hypothèse que certaines alternances vocaliques énigmatiques qui s'observaient dans des langues anciennes telles que le grec et le sanskrit, pourraient s'expliquer par trois sortes de "coefficients" linguistiques différents qui auraient existé en indo-européen. Le linguiste danois Møller suggéra qu'il devait s'agir de consonnes laryngales, comme en arabe et en hébreu ancien, qui auraient disparu dans les langues issues de l'indo-européen originel.

L'hypothèse fut d'abord plutôt raillée comme fantaisiste jusqu'à ce que, au début du XXème siècle, soient déchiffrées des inscriptions cunéiformes en hittite, la langue indo-européenne la plus anciennement attestée à ce jour. Or, en effet, dans certains cas où les travaux de de Saussure et Møller avaient postulé la disparition de laryngales, le hittite présentait bien un caractère spécial. On peut citer par exemple le mot "*ant-" où apparaît bien, à l'initiale, un phonème disparu dans le grec "anti" et le latin "ante".

On a donc supposé que, dans des textes qui remontent au XVIIIème siècle avant l'ère chrétienne, le hittite avait gardé l'une des trois laryngales de l'indo-européen originel, tandis que le sanskrit, l'avestique ou le grec antique les avaient toutes perdues.

Alors, voici que le finnois présente lui, certes non pas des laryngales, mais des occlusives à l'initiale de mots qui paraissent correspondre à des racines commençant par des voyelles dans des langues indo-européennes.

"Kaski" désigne un essart que l'on a obtenu en brûlant la végétation. La ressemblance avec le suédois "aska" est saisissante (ou l'anglais "ash" et l'allemand "Asche"). On doit alors supposer que le finnois a reçu ce mot à une époque où il avait encore la laryngale et l'a convertie ensuite en occlusive sourde. Cela pourrait donc remonter au troisième millénaire avant Jésus-Christ !

Et "kalpea", pâle, si on lui retire son "K", se met à ressembler à "albus/alba" latin, blanc, qui a donné au français des mots tels qu'aube ou albumine.

"Kesä", l'été, pareillement démuni de son "K", se met à ressembler au mot qui désigne l'automne dans beaucoup de langues slaves, par exemple "jesień" en polonais ou "esen" en bulgare. Par rhotacisme, "kesä" pourrait aussi être apparenté au mot signifiant "an" dans les langues germaniques, comme le scandinave "år" (anglais "year" et allemand "Jahr").

TEHDÄ et TUOTAA

"Tehdä" est un verbe du vocabulaire fondamental qui signifie "faire". Or, on trouve une racine équivalente dans beaucoup de langues indo-européennes. Altéré par la première mutation consonantique, c'est l'un des verbes "faire" des langues germaniques occidentales, comme l'anglais "to do" et le néerlandais "doen" mais allemand "tun". Toutefois, on le trouve aussi avec le sens de "mettre" en grec: "tithêmi", un présent à redoublement, dont vient le mot "thèse". On a pareillement "dadhami" en sanskrit. Confondue avec la racine du verbe signifiant "donner", la même racine subsiste en latin dans des composés tels que "condire", "fonder". On trouve aussi la racine "tit-" dans le sens de "poser" en hittite.

Quant à "tuotaa" que l'on traduit par "produire", il est proche de sens et de forme de la racine qui signifie "donner" dans moult langues indo-européennes. On pense à "dare" en latin, "dát" en tchèque, "duoti" en lithuanien,etc.

Ces faits sont extrêmement troublants. Une langue peut emprunter des quantités très importantes de vocabulaire à une autre mais elle conserve normalement les termes de son vocabulaire fondamental. Ainsi, l'anglais a énormément emprunté à l'anglo-normand importé dans l'île par Guillaume le conquérant et son armée mais il a conservé un vocabulaire fondamental germanique "to do", "to give", "water". Il en va de même du maltais ou de l'albanais. Quant au français, on voit bien qu'il est une langue romane et non pas une langue celtique submergée par le latin au fait que son vocabulaire fondamental est latin, "faire" comme le latin "facere" en regard du breton "ober / a ran / gran" (à rapprocher du scandinave "gøre / göra"), "donner" comme le latin "dare / donare" en regard du breton "rein" et du gallois "roi", "aigue / eau" venu du latin "aqua" en regard du breton "dour" et du gallois "dŵr".

Or, à "tehdä" correspond "tenni" en hongrois. Il s'agit donc bien de la même racine.

Quant à l'eau "vesi", le mot se décline à certains cas obliques sur une racine "ved-" (cf. veden) qui rappelle beaucoup la racine équivalente slave (tchèque "voda", polonais "woda") et, de là, le germanique occidental ("water" anglais et néerlandais", "Wasser" allemand), le hittite ("watar") ou le grec ("hydor" issu de "*wydor"). Or, le hongrois "víz" a lui aussi la même racine.

Cela étant, pour déterminer l'appartenance d'une langue à une certaine famille de langues, on ne peut pas prendre en considération seulement son vocabulaire fondamental, il faut aussi s'interroger sur l'existence ou non d'analogies de structure.

LA CONJUGAISON

La conjugaison, telle que nous l'assimilons dès l'école primaire, est probablement une illusion d'optique. Si l'on prend la séquence "cano, canis, canit, canimus, canitis, canunt" du verbe latin signifiant "chanter", on se rend compte que, ni la première personne du singulier, ni la troisième personne du pluriel n'ont la même voyelle désinentielle que les autres formes. En ce qui concerne la troisième personne du pluriel, il s'agit en fait d'une forme dérivée du participe présent. Les ancêtres des latins pensaient donc "they singing" et pas "they sing". Or, il en est ainsi dans pratiquement toutes les langues indo-européennes, sauf notamment dans les langues baltes qui n'ont justement qu'une seule forme de troisième personne (lithuanien "pouvoir": 1ère personne: moku / mokame, 2ème personne: moki / mokate, 3ème personne "moko").  

Si l'on observe les langues indo-européennes très anciennes, on a l'impression que conjuguer consiste à ajouter des sortes de suffixes pronominaux à la racine. Prenons le verbe "faire" en sanskrit, il donne au présent karomi, karosi, karoti, kurmah, kurutha, kurvanti. La troisième personne du pluriel dérive bien du participe présent "kurvant". Si l'on observe "karomi", on imagine que, à l'origine, il avait dû s'agir de "faire-moi". Le "- ti" de "karoti" fait penser au démonstratif omniprésent dans les langues indo-européennes, par exemple "ten / ta / to" en polonais, ou, en composition "iste / ista / istud" du latin, en passant par l'article en germanique "der / die / das" allemand, "den / det" scandinave ou en grec (accusatif "ton / tên / to"). On imagine aussi que "- mah" pourrait avoir été un pluriel de "mi" que rappelle "- mus" en latin et de même "- tha" un pluriel du pronom "tu" que rappelle "-tis" en latin.

Or, qu'en est-il de la conjugaison finnoise ? Si l'on prend le verbe "dire", on a "sanon, sanot, sanoo, sanomme, sanotte, sanovat".

Fait tout à fait remarquable, la troisième personne du pluriel y est aussi dérivée du participe présent "sanova", exactement comme dans la plupart des langues indo-européennes. On peut aussi supposer qu'il y a un rapport de singulier à pluriel entre les terminaisons "- n" et "- mme" ("n" est couramment une forme amuïe de "m". Il suffit de comparer les désinences d'accusatif singulier du latin à celles du grec et du gaulois) ainsi qu'entre  "- t" et "- tte". Or, en ce cas, même la désinence du singulier rappelle le pronom personnel indo-européen "tu". 

Manifestement, du côté du verbe, le finnois a des structures très semblables, tant dans la forme que dans l'esprit, à ce que l'on connaît de l'indo-européen.

Et le hongrois ? Il a la particularité d'avoir deux conjugaisons, selon qu'un objet déterminé suit ou non le verbe. Il s'ensuit qu'il y a une double série de désinences. Si l'on reprend le verbe "tenni", la conjugaison donne au singulier "teszek / teszem, teszel / teszed, tesz / teszi" et au pluriel "teszünk / tesszük, tesztek / teszitek, tesznek / teszik". Au singulier, les désinences de la conjugaison objective "- m" et "- d" rappellent bien celles du finnois "- n" et "- t", et, partant, celles de l'indo-européen. Mais, les autres formes paraissent dérivées de la troisième personne du singulier. "teszik" paraît être le pluriel grammatical de "teszi" puisqu'il est marqué en hongrois par "- k". Il en va de même de "teszitek = teszi+ tek". Donc, ce sont plutôt les désinences de la conjugaison subjective qui retiennent l'attention au pluriel car "teszünk" peut s'analyser comme la désinence " - m", amuïe en "- n", marquée par le pluriel "- k". De même, on peut voir dans "tesztek" la désinence "- t", amuïe en "- d" au singulier, marquée du pluriel "- k". Quant à la troisième personne du pluriel, il semble bien que, au lieu du participe, le hongrois ait recours à un pluriel tiré de l'infinitif "- ni / - nek". Donc, avec un matériel différencié de celui du finnois, la logique reste fondamentalement la même.

Mais ces réflexions à partir du seul indicatif présent suffisent-elles ?

Juqu'à la moitié du XXème siècle, les linguistes spécialistes de l'indo-européen reconstituait l'histoire de l'idiome originel comme une simplification graduelle d'une langue extrêmement riche en formes flexionnelles comme le sanskrit à une langue qui en est presque complètement dépourvue comme l'anglais moderne. Pour eux, il était évident que la langue originelle avait eu une flexion à au moins 8 cas, et une conjugaison à deux voix comportant un grand nombre de modes, l'optatif et le subjonctif en sus de l'indicatif et de l'impératif, avec des imparfaits et des aoristes à augment ainsi que des parfaits à redoublement. Las, rien de tout cela dans le hittite déchiffré à partir du début du XXème siècle. Le hittite présente un système verbal aussi simple que celui du germanique et du baltique. De plus, les désinences qui caractérisent le parfait dans des langues tels que le latin et le grec ne s'appliquent qu'à certains verbes qui n'utilisent pas les désinences habituelles des autres verbes au présent. Il ne s'agit donc que d'un autre groupe de conjugaison au présent, pas d'un autre aspect / temps.

On peut donc envisager que la grande richesse flexionnelle du grec et de l'indo-aryen ait été une commune innovation et non pas un héritage de l'indo-européen originel. Si l'on accepte cette prémisse, la structure du finnois devient aussi très proche de ce qu'on peut supposer qu'elle était à partir du celtique, du germanique et du baltique.

LA DECLINAISON

Reste alors la déclinaison car, pour des locuteurs de langues indo-européennes, c'est bien elle qui donne l'impression de pénétrer dans un monde linguistique très différent.

Soit le mot "talo", "maison". Il peut, théoriquement, se décliner ainsi: "talon, taloa, taloksi, talona, taloon, talossa, talosta, talolle, talolla, talolta et talotta".

On remarque que, sitôt qu'il y a éloignement, la désinence comporte un élément "- ta" qui, à l'origine, était la désinence du partitif mais qui s'est amuïe. Ainsi, "talosta" doit se comprendre comme "talos + - ta", "talolta" comme "talol + - ta" et "talotta" comme "talot + -ta". Existe-t-il un équivalent indo-européen ?

Eh bien, oui ! La désinence de l'ablatif de la déclinaison thématique est "- t" en sanskrit. Elle était "- d" dans le latin archaïque des inscriptions de l'époque républicaine. Quant au hittite, il avait une affriquée "- ts" notée "- z". On peut aussi rapprocher de la désinence "- then" du grec archaïque comme dans "oikothen", "de la maison", où "Athênêthen", "d'Athènes". Ou bien encore du suffixe, du préfixe et même de la préposition "de" en latin comme dans "unde" ou "inde".

Quant à "talolla" et "talossa", ils sont très certainement issus de "talol + - na" et "talos + -na". Existe-t-il en indo-européen une désinence équivalente caractérisant le lieu où l'on est, sans déplacement ?

Oui. On la trouve notamment dans la déclinaison des pronoms, par exemple les formes de datif et de locatif singulier du démonstratif en slave (polonais "temu / tym") qu'on retrouve dans le datif de l'article allemand (vieil allemand "demo", aujourd'hui "dem").

Quant à l'illatif "taloon", on pense à l'accusatif qui, dans les langues indo-européennes antiques, avait une nasale "- m / - n" comme désinence caractéristique.

Donc, y compris du point de vue de la flexion nominale, le finnois n'est pas si fondamentalement différent de l'indo-européen dans sa structure qu'il y paraît au premier coup d'oeil. A partir d'un matériel de base dont on perçoit encore les analogies, il a développé un système ayant désormais une logique différente.

Le hongrois a suivi la même logique. A partir de la désinence de base "ul / ül", il a surcomposé des désinences spatiales qui donnent des précisions à la notion d'éloignement dans lesquelles les langues indo-européennes n'entrent pas "- ból / - böl (long)", "- ról / - röl (long)", "- tól / - töl (long)". Il en va de même pour "- ba / - be" par rapport à "- ra / -re". Quant à "- ban / - ben", il dérive du superessif "- en / - ön / - on", lequel correspond probablement au "- na / - nä" du finnois.

CONCLUSION

Les différents faits qui ont été mentionnés conduisent à penser que, à une époque très lointaine, un peuple qui parlait une langue appartenant à la nébuleuse indo-européenne par son vocabulaire de base et ses structures s'en est détaché puis, à mesure qu'il progressait vers le nord de l'Europe, a vécu en symbiose avec d'autres peuples auxquels il a emprunté un vocabulaire important, non indo-européen. Sans doute les ancêtres indo-européens des Finlandais n'avaient-ils pas rencontré les mêmes peuples et langues que les ancêtres des Hongrois, ce qui serait une explication simple aux grandes différences de vocabulaire et de morphologie existant par ailleurs entre les deux langues.

L'hypothèse paraît si solide que l'on se demande pourquoi la linguistique est si réticente à accepter l'origine partiellement commune des langues indo-européennes et finno-ougriennes. C'est, probablement, parce qu'elle n'a pas intégré les enseignements à tirer du hittite et qu'elle continue à croire, à rêver, à une langue indo-européenne originelle morphologiquement très complexe. Or, il faut se représenter les conditions dans lesquels nos lointains ancêtres vivaient dans les steppes d'Europe orientale au cinquième, au sixième millénaires avant l'ère chrétienne, voire auparavant. Est-il vraisemblable que leurs conditions de vie économiques, sociales, aient été propices à subtiliser leur pensée au point de distinguer un indicatif d'un subjonctif et d'un optatif, lesquels auraient eux-mêmes envisagé chaque action comme continue (présent), achevée (parfait) ou indéterminée (aoriste) ? Poser la question revient à y répondre. On comprend que des philosophes grecs et des brahmanes indiens, policés, réfléchis aient eu besoin de grandes nuances pour préciser leurs pensées. Il est moins probable que cela ait été le cas de leurs lointains prédécesseurs préhistoriques. A cet égard, la simplicité du finnois prouve plutôt son authentique archaïsme, comme le hittite.

APPENDICE

Il est clair que des mots tels que kuningas ou lammas ont été empruntés par le finnois car la terminaison n'est pas signifiante dans cette langue alors qu'elle l'était encore dans le germanique archaïque.

Mais, dans beaucoup d'autres cas, il est difficile de déterminer si un mot vient d'un très lointain fond commun au finnois et aux langues indo-européennes reconnues comme telles ou s'il s'agit aussi d'emprunts anciens.

Voici une liste de mots pour lesquels un lien indo-européen quelconque est possible: 

ankea (triste, sombre ; français "angoisse", luxembourgeois "enk", suédois "ångest", allemand "Angst")

ajaa (chasser ; français "agir", suédois "åka")

ankerias (anguille ; français)

arpa (sort, lot ; suédois "arv", allemand "Erbe")

asia (affaire ; suédois "ärende")

autio (désert ; suédois "öde")

hakea (aller chercher ; suédois "söka", anglais "seek", allemand "suchen", polonais "szukac (c mouillé)". L'amuïssement d'un "s-" initial en "h-" est linguistiquement fréquent. Latin "super" / grec "hyper", français "sente", anglais "send", breton "hent").

halla (gelée ; suédois "hal")

hammas (dent ; anglais "comb", allemand "Kamm")

heinä (foin ; anglais "hay", allemand "Heu")

herne (pois ; suédois "kärna", anglais "corn", allemand "Kern").

hylje (phoque ; suédois "säl")

kavio (sabot ; suédois "hov", allemand "Huf")

kelvata (convenir ; anglais "help", allemand "helfen", breton "harpañ")

keltainen (jaune ; anglais "gold", suédois "guld", polonais "żółty", lithuanien "geltonas")

kulkea (marcher, circuler, rouler ; suédois "hjul", anglais "wheel", grec "kyklos", français "cycle")

kylmä (froid ; suédois "köld / kall", anglais "cold", allemand "kalt", français "gel")

mahtaa (pouvoir ; allemand "mögen / Macht", anglais "may", suédois "må / makt", polonais "moc")


mato (ver ; allemand "Made")

melto- (doux ; germanique "mild")

moni (beaucoup ; allemand "manch", anglais "many", suédois "många")

napa (nombril ; allemand "Nabel", suédois "nav")

nauttia (prendre, jouir de ; suédois "njuta", allemand "geniessen")

neula (aiguille ; suédois "nål", allemand "Nagel", anglais "nail")


nimi (nom ; suédois "namn", anglais et allemand, "Name", italien "nome")

onki (gaule ; allemand "Angel")

pullea (replet ; anglais, suédois "full", français "plein")

punoa (tresser ; suédois "spinna", anglais "spin", allemand "spinnen")

puska (buisson ; suédois "buske", anglais "bush", allemand "Busch", français "bois / buisson")

ranta (côte ; germanique "strand")

rauta et ruoste (fer et rouille ; anglais "rust", suédois / allemand "Rost")

ruhtinas (prince ; suédois "drottning")

ruoho (herbe ; anglais "grow", néerlandais "groeien", suédois "gro")

santa (sable ; germanique "sand")

suuri (grand ; scandinave "stor", lithuanien "storas", polonais "stary")

taivas (ciel ; latin "dies / deus / dives", français "Dieu / divin", gallois "dyw", breton "deiz / devezh")

etc ...


 





 

 

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